Sacré congé
Stéphane Laporte
La Presse
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Vous êtes en congé? Bien sûr. Jusqu'à mardi?
C'est bien. Pourquoi? Parce que c'est Pâques. So what, êtes-vous pratiquant?
Non. Croyez-vous? Pas ben, ben. Alors, pourquoi prendre congé? Parce que c'est
comme ça.
On a beau être une société laïque, on ne se fait pas prier pour prendre le congé de Pâques. Il y a des gens qui contestent la présence du crucifix à l'Assemblée nationale, mais personne ne conteste les jours fériés pour célébrer la résurrection du Christ.
Pas vu une âme qui vive remettre en question le respect des jours saints.
Au Québec, on ne pratique plus la religion, mais on pratique encore les congés religieux. Tant pis si, pour la moitié des citoyens, le Vendredi saint n'est pas la commémoration de la crucifixion de Jésus, mais la commémoration d'un match Canadien-Nordiques.
Chez nous, il n'y a plus rien de sacré, sauf les congés.
Les Français sont comme ça aussi. Ils fêtent même l'Épiphanie, la Pentecôte et
Rappelons-nous que si, jadis, on avait congé le Vendredi saint, c'était pour faire notre chemin de croix. Et le lundi, c'était pour reposer nos genoux endoloris par la grande messe du dimanche de Pâques.
Aujourd'hui, on prend congé le vendredi pour faire notre chemin à New York, et le lundi, pour reposer notre foie endolori par tous les lapins en chocolat qu'on a mangés le dimanche.
Ce n'est pas parce qu'on a perdu la foi qu'on va perdre le congé payé.
Je ne vous sermonne pas, ce matin. Je trouve juste plate que nos congés n'aient plus de sens. Que toutes nos fêtes soient devenues des congés pédagogiques.
Il y a bien Noël qui résiste. Noël qui souffre moins de notre baisse de dévotion. En décembre, tout le monde se rassemble, croyants et athées, pour fêter l'amour, pour fêter la naissance, pour fêter les enfants. On chante, on se donne des cadeaux, on s'écrit des cartes. Et à minuit, on sent encore la magie.
Mais Pâques passe presque dans le beurre. C'est la fête de quoi? La fête des oeufs Cadbury? La fête des films de Charlton Heston? La fête des nids-de-poule?
Il n'y a pas de chansons de Pâques, pas de cadeaux de Pâques, pas de party de Pâques. C'est juste un congé qui porte un nom de l'ancien temps, comme l'Action de grâce.
Il faut redéfinir nos Pâques actuelles. Et ce ne sera pas la première fois.
Pâque, sans le s, est au départ une fête juive soulignant la sortie d'Égypte du peuple hébreu. C'est durant la célébration de cette fête que Jésus a vécu sa Passion. Et les chrétiens en ont fait leurs Pâques.
Pâques signifie passage. Le passage de l'esclavage à la liberté pour un peuple, le passage de la mort à la vie pour un homme.
Le passage de l'hiver au printemps pour une planète.
Pâques, c'est l'espoir qui se concrétise.
On a traversé l'hiver. On a survécu aux temps durs. Vivement les temps doux.
Au fond, on fête le fait d'être encore là. On fête le fait d'être encore en vie.
Et c'est la meilleure raison de fêter.
Pâques, c'est la fête des survivants que nous sommes.
Si Noël est devenu la fête des enfants parce qu'elle est liée à la naissance, Pâques devrait être la fête des aïeux, parce qu'elle est liée à la renaissance. À la durée.
Qui symbolise le mieux la résistance de l'humain que les personnes âgées? C'est le plus marquant de tous les passages: le passage du temps.
À Noël, on fête la naissance. À Pâques, on fête le temps. Ce temps qui nous est accordé et qu'on appelle
C'est une chose de venir au monde, c'est autre chose d'y rester.
On cherchait en vain quelqu'un à fêter à Pâques, ensemble. C'est pour ça qu'on s'occupait chacun de notre côté. Si on fêtait nos aînés? Tous ces gens qui ont porté leur croix durant des décennies. Et qu'on oublie bien avant qu'ils nous oublient.
Ce n'est pas l'alzheimer qui empêche les jeunes de se rappeler ceux qui les ont précédés. C'est le manque de temps. À Pâques, ce temps nous est donné. Servons-nous-en pour gâter ceux qui nous ont ouvert la voie, celles qui nous ont ouvert le passage.
Je souhaite Joyeuses Pâques à tous ceux qui ont l'âge d'être pape. Merci pour tout!
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